Ce que tu vois de ta fenêtre n'est pas le monde entier

Publié le par Pascal Sacleux

 

 

Quand un photographe voyageur et toujours curieux des autres cultures comme moi a l’opportunité de se rendre au Pakistan, il n’hésite pas une seconde.

« Bravant » les mises en garde et autres conseils soi-disant avisés, je fais le nécessaire et me lance.

Karachi, Lahore, Islamabad, puis une petite incursion à Muzaffarabad au Cachemire, les montagnes secouées par le tremblement de terre d’octobre dernier (2005).

Le Pakistan s’affiche comme une République Islamique c’est son étiquette et le nom qui figure sur son visa. Mais sur place on découvre qu’il s’agit d’un régime militaire, et une fois n’est pas coutume, il semble que ce soit là, la dernière protection qui permette au pays de continuer un certain développement économique en le prenant en charge (instruction, hôpitaux, infrastructures…) et l’espoir de rester un partenaire mondial. Le côté obscur est qu’autour de la religion de la majorité du pays (militaires compris), l’Islam Sunnite, ont proliféré multitudes de micro sociétés, organisations, groupements, franchement radicaux, qui puisent leurs influences chez des modèles pas toujours recommandables avec des ambitions plus ou moins honnêtes et manipulatrices et qui, si elles avaient main mises sur le pouvoir, entraîneraient irrémédiablement le pays dans un chaos moyen-ageux et terrifiant façon Taliban. Ces groupes incluent également certaines tribus, qui si elles ont longtemps été le rempart du pays, ont aujourd’hui peur de perdre le contrôle de leur territoire au point de refuser le modernisme et sont convoitées par des éléments extérieurs.

Mais le Pakistan, est très peuplé. Qu’est-ce qu’on voit quand on regarde ? Qu’est-on entend quand on écoute ? Un peuple en majorité fier, hospitalier, respectueux, généreux, drôle, qui regarde jalousement son grand frère indien, depuis sa télévision en espérant une croissance similaire. Un peuple qui aspire à la paix, et à la prospérité.

Un drôle de calendrier, 9 et 10 février les « journées du martyr » Chiites où le croyant doit verser son sang, et du sang il y en a ! Malheureusement, ce sang ne sera versé que pour Dieu, même pas pour les gens qui en ont besoin (ne serait-ce qu’au sein même de la communauté Chiite qui a son lot de nécessiteux de transfusions).

Et comme si le sang ne pouvait jamais couler sans l’encre, la fâcheuse affaire qui fâche, du Cartoon Controversy ou Blasphemous Cartoon, dont le manque de clairvoyance de son auteur et l’insistance du révolutionnaire à l’Occidentale de certains condescendants, grassouillets et syndiqués médiums européens nous ont montré l’histoire du frère que l’on vexe sur un sujet dont on devrait savoir pourtant qu’il lui tient à cœur, et ce dernier qui ne sait pas pardonner. Et les médiums locaux de se faire l’écho d’une dignité collective en insistant à leur tour sur la brimade ressentie.

Mais ça commence quand même un peu comme un accident au Paris/Dakar où l’européen a « bien le droit de s’amuser avec sa grosse voiture » et « pourquoi cet enfant imprudent a-t-il traversé la route sans regarder ? »,  « Oh, allez, c’est pas grave ! Je suis désolé. Je te fais un gros chèque et on continue ». Mais là pas de gros chèque, seulement une addition qui s’allonge et un fossé qui se creuse. C’est le problème de l’image de l’autre. En Occident, l’Islam est minoritaire et n’a qu’à  « bien se tenir », on n’a pas toujours besoin d’en comprendre le fonctionnement, L’Islam n’ « a qu’à s’intégrer » (D’ailleurs on parle d’intégration, je n’ai jamais compris s’il s’agissait pour les étrangers de s’intégrer eux-mêmes ou si c’était aux français d’intégrer les étrangers). Mais il y a des pays où l’Islam est pour tout un chacun un mode de vie profond (et pas toujours totalitaire).

Lorsqu’on se moque du Pape ici on a l’habitude et même si on sait qu’il peut y avoir des réactions et mêmes parfois violentes, elles sont locales et « entre nous », mais là c’était vraiment faire peu de cas d’une bonne partie de l’humanité dont la religion nous est vraiment inconnue; et se permettre certaines libertés d’expression, relève carrément de la provocation. La  Presse n’est-elle supposée être notre garant de lumière et d’information?

Résultat habituel : plus on en parle et plus ça continue, un combat de cultures où il n’y aura pas de vainqueur et où tout le monde sera malheureux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans pascalsacleuxlibertes

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T
les liens vers montagenet et tonkipu ne fonctionne pas ( 2 http a la suite)
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T
Apres avoir lu ces mots.... je pense de suite a une tres belle BD : "Le photographe" (en 3 tomes) de Guibert - Lefevre et Lemercier aux editions Aire Libre...<br /> au coeur de l'Afghanistan en pleine guerre entre sovietik et moudjahidin, à l'intersection du dessin et de la photographie... ce livre raconte la longue marche des hommes et des femmes qui tentent de reparer ce ke d'autres detruisent....<br /> a savourer !<br /> <br />
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